Aller au contenu

Page:Inchbald - Simple histoire.djvu/31

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

c’est l’occupation de son bonheur futur qui répandait tant d’inquiétudes sur les derniers momens de ce tendre père. Fidèle à la promesse qu’il avait faite à son épouse, il lui avait abandonné l’éducation de sa fille, qui fut mise en pension dans une maison protestante, d’où elle sortit instruite de sa religion comme une personne dissipée l’est à son âge. La religion n’est pas ce qui avait occupé son jeune cœur. Miss Milner avait acquis toutes les grâces, tous les talens qui ajoutent à la beauté ; mais son esprit peu cultivé était resté tel que l’avait formé la nature, à quelques ravages près, que peut-être y avait fait déjà l’art, son rival et son ennemi.

Tant que son père avait été en pleine santé, il n’avait pu remarquer, sans la joie la plus vive, toutes les perfections de sa fille, à qui rien ne manquait de tout ce que peut donner au dehors le goût, les grâces et l’élégance ; il n’avait pas examiné si tout le reste était aussi parfait : mais sur son lit de mort, et prêt à l’abandonner à sa destinée, il commença à craindre d’avoir pu être aveugle, et les applaudissemens qu’il avait prodigués à sa fille, et le plaisir qu’il avait pris à lui voir ouvrir un bal ou charmer par son esprit ceux qui l’écoutaient, ne se présentèrent plus à sa mémoire que pour lui arracher un soupir de pitié et de mépris pour un mérite et des distinctions si frivoles.

« Ce qui est vraiment important, ajouta-t-il, ce qui est digne de mes plus sérieuses réflexions, c’est qu’elle puisse être préparée de bonne heure à son dernier moment, à ce moment fatal où je suis arrivé, où elle arrivera un jour. Puis-je donc la confier à ceux qui, dans toute leur vie, n’y songeront jamais pour eux-mêmes ? Non. Dorriforth est le seul de mes amis qui, unissant les vertus morales à celles de la religion, saura veiller sur elle sans la tyranniser,