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Page:Inchbald - Simple histoire.djvu/45

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eh bien ! cela seul prouverait que votre jugement n’est pas sûr. »

— « Je le prouverais bien mieux, peut-être, si je me livrais au plaisir de me croire belle. »

D’un ton aussi sérieux que s’il eût fait une question très grave, Dorriforth continua de cette manière :

— « Ainsi, Miss, vous croyez sincèrement ne pas être belle. »

— « Sans doute, si je ne consultais que mon opinion ; mais, à cet égard, je ressemble aux catholiques romains ; ce que je n’ose croire d’après moi-même, je le crois sur la parole des autres. »

— « Eh bien ! j’en tire donc cette preuve, que notre manière de croire n’est pas la moins sûre, et que la parole des autres n’induit pas toujours en erreur ; mais ceci touche aux matières de religion. Écartons ce sujet, c’est celui sur lequel nous différons d’opinion, vous et moi ; j’espère que ce sera toujours le seul ; souffrez qu’il n’en soit plus question entre nous. À Dieu ne plaise que je vous tourmente jamais pour votre croyance ! mais cette liberté que je vous laisse, veuillez de grâce me l’accorder à votre tour. »

Miss Milner parut surprise de recevoir une réponse si sérieuse à quelques mots si légèrement échappés. La bonne miss Woodley fit tout bas une courte prière pour demander au ciel de pardonner à sa jeune amie l’erreur involontaire où on l’avait élevée. Madame Horton, sans être vue, du moins à ce qu’elle croyait, fit un signe de croix pour détourner la dangereuse contagion des opinions hérétiques. Cette pieuse précaution n’échappa point à miss Milner, qui parut si disposée à éclater de rire, que la bonne dame, emportée par son indignation, s’écria : « Dieu vous pardonne ! » À ces mots, l’objet de sa colère ne pouvant se