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Page:Inchbald - Simple histoire.djvu/72

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émotions, et l’on était tenté plutôt de la révérer comme une sainte, que de l’aimer comme une femme. Dorriforth, dont le cœur n’était pas formé pour l’amour (ou qui du moins ne le connaissait pas encore), ne la regardait qu’avec les yeux de l’amitié, et voyait en elle un modèle pour tout son sexe.

Lord Frédéric fut d’abord frappé de sa beauté, et miss Milner craignit de lui avoir elle-même présenté sa rivale ; mais il ne l’eut pas vue trois fois, qu’il l’appela la plus insupportable des créatures célestes, et il jura qu’il y avait dans les traits de miss Woodley cent fois plus de mouvement et de variété.

Miss Milner avait toujours été portée à aimer les personnes de son sexe, même les plus distinguées par leur beauté ; mais soit esprit de contradiction, soit que dans la bouche de son tuteur des éloges prodigués à d’autres l’eussent affectée plus sensiblement, soit que la réserve de miss Fenton la repoussât et fût incompatible avec la franchise de son caractère, il est certain qu’elle avait beaucoup de plaisir à l’entendre rabaisser, ou tourner en ridicule, surtout quand M. Dorriforth était présent. Celui-ci, au contraire, ne pouvait alors dissimuler son mécontentement ; peut-être voyait-il avec peine que l’éloignement de miss Milner pour miss Fenton marquait une différence de sentimens qui l’alarmait pour sa pupille. D’ailleurs outre son rare mérite, miss Fenton avait encore d’autres droits à son amitié ; elle était sur le point d’épouser milord Elmwood, le parent le plus proche et le plus cher à M. Dorriforth.

Comme il ne fallait que des yeux pour voir que miss Fenton était belle, le jeune lord Elmwood s’en était aperçu comme un autre. Quant aux charmes de son ame, son précepteur les lui avait fait distinguer : il lui avait démon-