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Page:Inchbald - Simple histoire.djvu/74

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Elle avait été élevée en Angleterre dans une maison protestante, et n’avait pas la moindre idée de cette subordination que, de bonne heure, on apprend à observer dans les colléges étrangers ; d’ailleurs, comme femme, elle croyait avoir le privilége de tout dire, et comme jolie femme, le droit de compter sur l’admiration pour tout ce qu’elle disait.

Sandford connaissait aussi le cœur des femmes, quoiqu’il eût passé bien peu de temps dans leur société. Du premier coup d’œil, il saisit le caractère de notre jeune Miss ; il vit que cette tête charmante renfermait bien des travers dont il devait chercher à la guérir ; mais il crut que son premier soin devait être de s’en faire détester, dans l’espérance de l’amener, peu à peu, à se détester elle-même ; il ne s’amusa point à lui prodiguer des remontrances dont il prévoyait l’inutilité ; c’eût été compromettre, sans fruit, sa réputation et l’opinion, bien précieuse pour lui, que tout le monde et surtout ses amis avaient de ses talens ; mais il était expert dans l’art de mortifier l’amour-propre. Il se fit remarquer de miss Milner, en paraissant ne point la remarquer ; il parlait d’elle, en sa présence, comme d’une personne qui était à peu près nulle pour lui ; quelquefois il ne pouvait trouver son nom, quand il s’agissait de la nommer, ensuite il lui demandait pardon, en disant qu’il n’avait pu se le rappeler, et semblait en être si confus, que cet oubli, qui ne pouvait paraître volontaire et prémédité, n’en devenait que plus mortifiant pour miss Milner.

Partout elle était l’ame des sociétés ; personne n’excellait comme elle à soutenir la conversation, à arranger une partie ; elle était toujours celle qui chantait avec le plus de goût, qui dansait avec le plus de grace. Mais auprès de M. Sandford, ses talens étaient en pure perte. Quelquefois