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Page:Inchbald - Simple histoire.djvu/75

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elle voulait ne regarder le peu de cas qu’il faisait d’elle que comme l’effet d’une mauvaise éducation, mais ce n’était point un homme mal élevé. Il était né gentilhomme ; il avait toujours vécu dans la bonne compagnie. On ne pouvait lui refuser du sens et des connaissances ; « et un tel homme me mépriser, se disait-elle, sans songer même qu’il me méprise ! » car elle n’avait pas encore assez approfondi toutes les ruses, toutes les ressources de la dissimulation, pour soupçonner qu’un mépris, en apparence si naturel et si vrai, fût le résultat de l’étude et de l’art.

Cette conduite de M. Sandford eut tout l’effet qu’il s’en était promis. Elle humilia miss Milner à ses propres yeux, plus que n’auraient pu faire tous les sermons possibles sur le peu de prix réel de la jeunesse et de la beauté. Elle se douta, pour la première fois, que ces biens étaient frivoles ; elle en rougit intérieurement, et peut-être eût-elle été pour jamais guérie de sa vanité, si elle n’avait eu un caractère plus ferme que ne l’est ordinairement celui des femmes, et que ne l’avait attendu d’elle M. Sandford lui-même, malgré toute sa pénétration. Elle résolut donc de se venger de lui, en le traitant comme un ennemi déclaré ; c’était d’ailleurs le plus sûr moyen de sauver sa réputation et d’expliquer à tout le monde pourquoi M. Sandford n’avait pas reconnu l’empire de ses charmes, comme tant d’esclaves qu’elle y avait soumis.

Elle commença les hostilités contre lui, ne faisant grace à aucun de ses argumens, à aucun trait de son érudition, à aucune des sentences qu’il aimait à débiter ; et sans autres armes que celles du ridicule, qu’elle maniait avec adresse, elle mit la patience du révérend Père à des épreuves plus rudes que toutes les pénitences qu’auraient pu lui imposer ses supérieurs. Quelquefois il souffrait avec la ré-