Page:Irailh - Querelles littéraires, tome II.djvu/436

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une erreur, dit-il, de nos pères, d’avoir imaginé la déclamation théâtrale, telle qu’on la voit en France. Le grand point sur la scène est de faire illusion aux spectateurs & de leur persuader, autant qu’on le peut, que la tragédie n’est point une fiction ; mais que ce sont les héros mêmes qui agissent & qui parlent, & non pas les comédiens qui les représentent. La déclamation tragique opère tout le contraire. Les premiers mots qu’on entend font évidemment sentir que tout est fiction ; & les acteurs parlent avec des tons si extraordinaires, si éloignés de la vérité, qu’on ne peut pas s’y méprendre ».

On réfuta Riccoboni. On lui répondit que la déclamation tragique, quoique chargée, ne détruisoit point l’illusion nécessaire au spectacle ; que l’imagination des spectateurs se prêtoit à ce langage comme à la mesure, à la rime & au chant de nos opéra ; que cette supposition, une fois admise, est une source de plaisir, pourvu que l’auteur ne la pousse pas trop loin, & qu’en conservant « la sublimité du ton de la