bien que ses écrits aient fait jadis les délices d’une cour, et qu’en apparence ils aient été immortalisés par un proverbe, on ne connaît Lily, même de nom. Toute une légion d’auteurs qui écrivirent et se disputèrent à cette époque ont également disparu avec tous leurs écrits et leurs controverses. Les âges littéraires se sont succédé ; le flot a poussé le flot et roulé sur eux, jusqu’à ce qu’ils soient si profondément enfoncés qu’il n’y ait plus qu’un habile plongeur, à la recherche des débris de l’antiquité, qui puisse de temps à autre en ramener à la surface un échantillon pour la plus grande joie des curieux.
— Quant à moi, continuai-je, je vois dans cette mutabilité de la langue une sage précaution de la Providence pour le bénéfice du monde en général et des auteurs en particulier. Pour raisonner par analogie, chaque jour nous voyons les nombreuses et magnifiques familles de végétaux grandir, fleurir, orner les champs pendant un court espace de temps, puis se flétrir et rentrer dans la poussière pour faire place à leurs successeurs. S’il n’en était pas ainsi, la fécondité de la nature serait une punition au lieu d’être un bienfait. La terre gémirait sous le poids d’une luxuriante, d’une excessive végétation, et sa surface deviendrait un désert embarrassé. De même, les œuvres du génie et du savoir déclinent et font place aux productions subséquentes. Le langage varie insensiblement ; avec lui s’évanouissent les écrits d’auteurs qui ont eu leur temps pour fleurir ; autrement, les facultés créatrices du génie déborderaient sur le monde, et l’esprit se perdrait entièrement dans les labyrinthes sans fin de la littérature. Autrefois il y avait quelques limites à cette excessive multiplication. Il fallait que les ouvrages fussent transcrits à la main, et c’était une longue, une laborieuse opération ; ils étaient écrits ou sur parchemin, ce qui était coûteux, de sorte que souvent un ouvrage était gratté pour faire place à un autre, ou sur papyrus, lequel était fragile et très-périssable. La profession