Page:Irving - Le Livre d’esquisses, traduction Lefebvre, 1862.djvu/351

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blement interrompus par le chant d’un oiseau, le sifflement lointain du paysan, ou bien encore le caprice de quelque poisson s’élançant hors des eaux assoupies et rasant pendant une seconde leur surface polie. « Quand je veux faire naître en moi le contentement », dit Isaac Walton, « et accroître ma confiance dans le pouvoir et la sagesse du Très-Haut, je porte mes pas dans les prairies, au bord de quelque ruisseau coulant doucement, et là je contemple les lis, qui n’ont cure de rien, et toutes ces autres innombrables petites créatures vivantes qui non-seulement sont créées, mais nourries (l’homme ne sait comment) par la bonté du Dieu de la nature, et je mets mon espérance en lui. »

Je ne puis m’empêcher de transcrire une autre citation tirée d’un de ces anciens champions de la pêche à la ligne ; elle respire le même caractère d’innocence et de bonheur :

Qu’en paix je puisse vivre, et près du doux rivage
Du Trent ou de l’Avon avoir un ermitage ;
Y voir mon liége alerte ou mon tuyau sombrer,
Et l’ablette, le dard, le brochet s’enferrer ;
Penser au Créateur, méditer sur le monde :
Tandis que l’un étreint des biens à source immonde,
Que d’autres aux excès consacrent leurs loisirs,
Au vin, à pis encore, à la guerre, aux plaisirs.
Jouissez, vous à qui ces plaisirs savent plaire,
Et que l’illusion vous arrive à plein verre,
Pourvu que mon regard s’arrête avec amour
Sur les prés verdoyants, qu’à loisir chaque jour
Je foule au bord des eaux narcisses, pâquerettes,
Et jacinthes de pourpre, et tendres violettes[1].


En me séparant du vieux pêcheur à la ligne, je m’informai du lieu de sa résidence, et comme je me trouvais être dans les environs du village quelques soirées plus tard, j’eus la curiosité de le découvrir. Il habitait une petite chaumière, composée seulement d’une chambre, mais c’était une pièce rare comme distribution et comme arrangement. Elle était placée sur la lisière du village, campée sur un tertre vert, un peu à l’écart de la route, avec un petit jardin sur le devant, garni d’herbes potagères et décoré de quelques fleurs. Toute la façade était tapissée

  1. J. Davors.