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Le riz au lait


Le nez au vent, en flâneur, comme un monsieur qui vit de ses rentes, Carmery remontait doucement le boulevard de Strasbourg. En passant devant les terrasses bondées de consommateurs, car c’était l’heure de l’apéritif, il ralentissait le pas, et ses petits yeux se mettaient à vaciller, ardents et inquiets, dans sa face rasée et imperturbable, scrutant la physionomie de chaque client. Puis il repartait, la tête haute, l’allure fière et dégagée.

Soudain, il s’arrêta, leva les bras au ciel et cria : « Lamollière ! » À dix mètres devant lui, quelqu’un s’arrêta, leva les bras au ciel et cria : « Carmery ! » Puis les deux hommes se précipitèrent l’un vers l’autre, et se serrèrent les mains avec une véhémente cordialité. — Toi ! Comment va ? Trois ans qu’on ne s’est vu, depuis Bordeaux ! — C’est vrai, trois ans ! Comme le temps passe ! Tu vas bien ? Depuis quand à Paris ? — Depuis trois semaines. — Moi, depuis un mois. — Et le théâtre ? Tu es content ? — Ravi, mon cher ! J’ai fait une saison superbe à Bruxelles. — Moi de même : saison magnifique à Lyon. Public très intelligent. J’ai eu un succès !… — On fait un tour ensemble ? — Comment donc !

Lamollière fit demi-tour, et les deux amis se remirent en marche, bras dessus, bras dessous.