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Page:Ista - Contes & nouvelles, tome III, 1917.djvu/19

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Sans échanger une parole, ils grimpèrent six étages, traversèrent un long couloir, et entrèrent dans un étroit cabinet au carreau défoncé, au papier déteint, à la fenêtre sans rideaux. L’ameublement se composait d’un petit lit en fer, un vrai lit d’enfant, de deux vieilles malles, et d’une cuvette pleine d’eau sale, posée à même le sol. Sur une tablette fixée au mur, Lamollière prit un sac en papier, une tasse pleine de lait et une soucoupe fêlée où il y avait six morceaux de sucre.

— Voilà, dit-il : Une demi-livre de riz, du lait et du sucre. Avec ça, on fait un bon petit riz au lait. Je n’ai rien d’autre. Il n’y a pas de pain. Si tu préfères aller au Café de Paris, je ne te retiens pas.

L’autre fixait sur les provisions des yeux ardents. Il avala sa salive, difficilement, avec un long mouvement de tête, puis demanda aussitôt : « Où va-t-on le faire cuire ? »

Lamollière haussa les épaules. « Tu verras bien », dit-il.

Dans un vieux poêlon, il versa le riz, le lait, le sucre cassé en petits morceaux. Carmery suivait ses moindres mouvements, tournant la tête à chaque geste, comme les petits chiens qui assistent au repas de leur maître. Son poêlon à la main, Lamollière gagna le corridor, en faisant signe de le suivre. À pas de loup, il s’avança jusqu’à l’escalier, puis souffla dans l’oreille de son camarade : « Tu vas descendre un étage, et guetter par dessus la rampe. Si quelqu’un vient, tu remonteras au galop. »

L’autre obéit sans comprendre. Penché sur le guide-main, il scrutait les profondeurs du gouffre, puis relevait la tête, de temps à autre, pour suivre le manège de son ami.