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Sur la scène, nous pouffions tous, sans pouvoir dire un mot. Le traître qu’on venait d’arrêter se tordait entre les deux gendarmes. La duègne, pliée en deux, pleurait de grosses larmes de joie, et l’ingénuité avoua par la suite qu’elle avait poussé les choses plus loin encore. Devant cette situation, le chef machiniste prit sur lui de baisser la toile, et bien nous en prit, car il nous épargna l’averse de petits bancs, d’oranges et d’objets hétéroclites dont le public cribla le rideau, sitôt qu’il fut sorti de la stupeur où l’avait plongé ce singulier dénouement.

Puis, deux machinistes allèrent tirer Sophie de sa boîte, où elle avait pris le parti de s’évanouir.

Et jamais, jamais plus, on ne la vit piquer sa crise, jusqu’au jour où la troupe se dispersa, notre directeur s’étant décidé à faire faillite.

Lapaume se tut, et l’un de nous lui demanda :

— Sophie a-t-elle su qui était descendu à fond de cale ce soir-là ?

— Jamais, dit le vieux.

— Tu le savais, toi ?

— Oui, et je vais vous le dire, car mon histoire n’a rien d’immoral. Ce n’était pas l’amant, mais c’était le mari.


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