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française et la diction. S’adresser à l’Institution Pompelard, rue…, n°…

À mesure qu’il lisait, un large sourire éclairait la figure de Mouchavin.

— C’est çà ! pensait-il. C’est tout à fait çà ! Professeur ! Ç’a toujours été mon rêve ! J’ai déjà la pelure de l’emploi : une redingote presque neuve. Il ne me manque plus que les palmes académiques. Mais çà, ce n’est pas difficile à se procurer. Et je suis l’homme qu’il faut ! Pour la prononciation et la diction, il n’y en a pas un à me faire la pige ; quant à la chose d’être distingué, je me les enfonce tous quelque part, n… de D… ! C’est décidé, je deviens professeur !

Et comme son camarade Eugène entrait justement au café, Mouchavin lui cria :

— Tu veux savoir une fameuse nouvelle, mon vieux ? Je quitte le théâtre ! Je lâche l’art dramatique ! J’entre à l’Institution Pompelard comme professeur de prononciation française et de diction !

Eugène fit entendre un clappement de lèvres admiratif. Puis, s’asseyant devant le nouveau membre du corps enseignant, il posa la conclusion obligatoire :

— Qu’est-ce que tu vas m’offrir pour ça ?


* * *


Quelques heures plus tard, Mouchavin faisait un petit tour, car il éprouvait vivement le besoin de prendre l’air. Il allait au hasard, sans savoir où, ça lui était bien égal. Mais, sans doute pour allonger sa promenade, il la faisait en zigzag, d’un bord à l’autre des trottoirs. Les passants le regardaient d’un air amusé, dont le futur professeur de prononciation ne s’apercevait même pas, car il avait bien assez à faire de suivre le fil de ses pensées, qui bouillonnaient