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dans son crâne avec une rapidité et une violence inaccoutumées. Il pensait, ce bon Mouchavin :

— Il fait chaud !… J’ai soif !… Sacré Eugène ! Jamais le rond ! Faut toujours payer tout, avec lui… Vingt-six môminettes à la douloureuse… M’en fiche, je vais avoir de bons appointements… Et puis les palmes, que je vais avoir… J’irai les montrer à l’administrateur de la Comédie-Française, et je lui dirai : « Voilà l’homme que vous avez dédaigne ! »… Fait chaud… J’ai soif… Sacré Eugène… Quelle drôle de rue ; je ne la connais pas… M’en fiche, je vais avoir les palmes… Paris est grand… Tant pis pour les artistes, ils n’ont que… Non, zut !… Tant pis pour les directeurs, ils n’ont que les artistes qu’ils méritent… J’ai soif, c’est parce qu’il fait chaud… Sacré Eugène !… Il n’aura pas les palmes, lui… Tiens, tiens, tiens !… Institu… Institution Pompelard… Chouette ! Ma nouvelle usine ! Me voilà tout rendu, ça m’épargne une course !

M. Pompelard était très occupé à rédiger une éloquente proclamation « aux pères de famille soucieux d’assurer à leurs fils les inappréciables avantages d’une éducation soignée, » quand on frappa à la porte de son bureau. « Entrez ! » cria-t-il. La porte s’ouvrit brusquement, et Mouchavin entra avec tant de précipitation, qu’il faillit s’étaler sur la tablette du bureau. Sans doute, ce visiteur s’était pris le pied dans le tapis, et M. Pompelard eut presque l’air de s’en excuser, tant fut amène le ton dont il demanda :

— À quoi dois-je, monsieur, l’honneur de votre visite ?

Le grand air n’avait pas fait à Mouchavin tout le bien qu’il en attendait. Il avait un cheveu sur la langue, et un fameux, car il répondit en ces termes :