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Le Grand Joseph était en face du théâtre, sain et sauf, pensant avec une joie intense que jamais personne ne voudrait croire une chose pareille.

Le cocher lui avait dit qu’on délivrait les billets d’entrée par un trou percé dans la muraille. Il fit le tour de l’édifice, découvrit le trou qu’il cherchait, et s’approcha en murmurant : « Une place, s’il vous plaît, monsieur. » Puis il vit que c’était une dame qui était à l’intérieur du trou. « Quelle place ? » demanda la préposée. Le Grand Joseph n’en savait rien. Mais il se rappela qu’aux dires du cocher, il y en avait pour toutes les bourses, et répondit à tout hasard : « Dans les prix de deux francs… »

Muni d’un billet portant ces mots : « Loge de troisième rang », il gagna l’entrée, fut arrêté par un monsieur qui lui prit son papier des mains, en déchira un morceau, puis lui rendit le reste. Et comme le Grand Joseph ne bougeait pas, l’employé, d’un geste vague, montra quatre portes qui s’ouvraient derrière lui, en murmurant : « En haut, par là… »

Pendant que le forgeron hésitait, indécis, deux hommes passèrent, ouvrirent une des portes et disparurent sur les marches d’un escalier tournant. Joseph fit cette réflexion que l’escalier était évidemment le bon et le seul chemin pour arriver en haut, et monta à la suite des deux autres, en pensant, tout joyeux, que ces choses-là sont bien moins difficiles qu’on se le figure. Il grimpa longtemps, longtemps, plus haut qu’il n’était jamais monté, s’étonnant de cet escalier qui ne finissait pas, de ces nombreux paliers où ne s’ouvrait aucune porte.

Enfin, il perçut le son d’une musique, arriva au dernier étage, vit, par une baie largement ouverte, des silhouettes noires se découpant sur un fond