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Le voyage
de Jef Van Willebroeck


Jef Van Willebroeck était un homme heureux, et pour cause. D’abord il était Bruxellois, ce qui n’est pas donné à tout le monde. Ensuite, il possédait au numéro 233 de la chaussée d’Etterbeek, le plus charmant estaminet qui se pût voir. C’était, du moins l’opinion de son propriétaire. Il y avait un grand comptoir dont le zinc luisait comme de l’argent, avec un immense bassin à rafraîchir dont le cuivre étincelait comme de l’or. Il y avait de jolis dessins tracés avec du sable blanc, autour des tables, sur le dallage que Madame Van Willebroeck et la servante récuraient tous les matins, à grand renfort de seaux d’eau, de brosses en chiendent et de « loques à reloqueter ». Il y avait dans la cave, de grands tonneaux de faro et de lambic, avec de vieux cruchons de genièvre. Et derrière l’estaminet, il y avait un tir à l’arbalète où les membres de la « Chocheteie » venaient s’exercer tous les jeudis.

Le commerce marchait bien, les clients étaient de joyeux lurons et ils commandaient bien rarement une tournée sans ajouter : « Hé bien, Jef ! Est-ce que vous n’allez pas profiteie sur un verre avec nous autres ? » Et Jef s’enfilait de grands verres de faro ou de lambic,