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Page:Ista - Contes & nouvelles, tome III, 1917.djvu/84

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— Il est pour partir ! s’exclama le Bruxellois. S’il est pour partir maintenant, ça est un devoir qu’on le prend avec. S’il est pour partir un autre jour, ça sera une fameuse zwanze qu’on le prend avec tout le même !

La zwanze est la blague brabançonne, l’énorme blague, copieuse, et pas toujours très délicate, dont on rit encore après des années. Un vrai Bruxellois ne résiste guère à ce mot. Aussi les deux compères déclarèrent-ils à l’employé :

— Tu ne dois pas faire de la peine à ce galliard, monsieur. Il va retourneie avec nous-autres, et on soignera pour qu’il joue pas le fou en route.

L’employé, fervent étouffeur de perroquets, avait un faible pour les poivrots. Il sourit, haussa les épaules, et s’éloigna comme s’il n’avait rien vu. Jef fut hissé dans un wagon, et ne fit qu’un somme jusqu’à Bruxelles, tandis que ses compagnons s’envoyaient mutuellement de vigoureuses claques sur les cuisses, en répétant sans se lasser : « S’il était pour partir aujourd’hui, ça est un devoir. S’il était pas pour partir, ça est une fameuse zwanze ! » Jef ronflait toujours.

À Bruxelles, il cessa de ronfler un instant, mais sans ouvrir les yeux, sans se rendre compte de rien, pour faire quelques pas, soutenu à droite et à gauche, porté plutôt, jusqu’au fiacre où il se remit à ronfler. Puis les deux compères crièrent au cocher : « Chaussée d’Etterbeek, 233 ! » et ils regardèrent la voiture s’éloigner en répétant une vingtaine de fois au plus : « Si sa femme elle ne l’attend pas, ça sera tout le même une fameuse zwanze ! » Puis ils allèrent se coucher.

Quand Madame Van Willebroeck entendit sonner