donc qu’on pouvait, jadis, aller n’importe où dans une bonne voiture bien suspendue. Vous ignorez donc que les plus grands seigneurs, autrefois, s’estimaient fort heureux quand ils pouvaient quitter le cheval pour voyager dans des litières portées, ou plutôt cahotées par deux mules ? Vous n’avez donc jamais vu la litière de Charles-Quint, le plus puissant monarque de son époque ? Elle est au musée de la Porte de Hal, à Bruxelles. C’est une infâme bagnole, non suspendue, mal fermée par des rideaux en cuir, et dans laquelle on est beaucoup moins bien assis que dans nos wagons de troisième classe. Je m’y suis assis, moi, pendant que le gardien n’était pas là. Et si cet empereur, sur les États de qui le soleil ne se couchait jamais, ne pouvait voyager plus à son aise, c’est pour cette bonne, pour cette seule raison, qu’il n’y avait alors que peu ou point de routes carrossables.
— Pourtant, objecta Marie, pour les transports de matériaux…
— À dos d’hommes, mademoiselle ! À dos d’hommes et à dos de femmes ! En ces temps bénis, ce bétail-là coûtait moins cher que les chevaux. Aujourd’hui, c’est comme ça au Congo ; jadis c’était comme ça chez nous. Tous les transports à dos de porteurs ! L’homme bête de somme !
Hougnot venait de descendre quelques mètres un peu plus vite qu’il n’eût voulu, dans un grand bruit de pierres éboulées.
— Mais, geignit-il, sur des routes comme celle-ci, ils devaient broncher à chaque pas, vos porteurs !
— Non, dit l’oncle. Ils se cramponnaient au sol beaucoup mieux que vous ne le faites, parce qu’ils allaient toujours nu-pieds, comme la presque totalité de nos ancêtres.
Il y eut un petit silence, pendant lequel cha-