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par un beau dimanche

cun s’occupa, peut-être, à reviser ses idées habituelles sur la part de confort et de bonheur dont il jouissait ici-bas. Puis Marie demanda, d’un petit ton boudeur :

— Mais, mon oncle, pourquoi parlez-vous toujours de choses désagréables ?

À quoi le docteur, qui n’avait pas encore avalé l’injure de son beau-frère, riposta d’un air goguenard et hargneux :

— Mais, ma nièce, pourquoi me demande-t-on de dire toujours la vérité ?

À ce moment, l’afîreuse route se dégagea du couvert, et les promeneurs foulèrent une vaste lande d’où l’on découvrait à nouveau toute la vallée.

Mais l’aspect du paysage était étrangement changé : Les collines, tout à l’heure si lointaines et tout estompées de vapeurs violettes, étaient devenues d’un gris dur et faux, striées d’ombres froides qui en accusaient les menus détails et les montraient soudain plus rapprochées. Le beau ton bleuâtre et velouté des forêts avait fait place à un vert acide et cruel, qui agaçait les yeux comme une saveur âpre et astringente irrite le palais. Le soleil luisait encore, mais d’un éclat trouble et malsain, dans un azur crayeux, blafard, et comme brouillé. Et, du côté que l’oncle Brusy, naguère, avait désigné d’un hochement de tête réprobateur, un énorme nuage noir accourait rapidement, fait de cinq larges bandes divergentes, semblables aux cinq doigts d’une main formidable qui s’abattait pour empoigner la montagne et remporter comme un jouet d’enfant.

Tout là-bas, au poignet de la main gigantesque, une lueur rouge tressaillit, fugace et vibrante, puis on entendit un sourd grondement, très faible et très profond.