Page:Ista - Par un beau dimanche, 1921.djvu/157

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— Y’a plus rien à manger, m’sieurs dames… Y’a plus rien de rien à la maison… C’est c’chien d’ivrogne qu’a tout avalé !

À quoi Eudore riposta :

— Faut pas la croire, nom d’un cric !… Elle vous triche sur la nourriture pour rattraper la vaisselle que j’ai cassée… Elle est fine, la vieille !… Elle est fine, nom d’un cric !

Pour remplacer le dessert dont on se trouvait ainsi frustré, les dames se partagèrent quelques tablettes de chocolat que Marie retrouva dans son petit sac, les hommes allumèrent des cigares que leur offrit le docteur. Puis Vireux et Hougnot se remirent, à qui mieux mieux, à honnir les imperfections de leurs contemporains, avec l’impitoyable sévérité coutumière aux gens qui ont beaucoup de choses à se reprocher, et n’entendent pas que personne vaille mieux qu’eux.

Derrière l’auberge s’étendait un vieux jardin, dernier vestige d’un parc seigneurial qui s’en était allé, lambeau par lambeau, comme s’en vont tôt ou tard les biens, si grands soient-ils, de ceux qui dépensent toujours et ne produisent jamais.

Au fond, contre la haie, un merveilleux hêtre pourpre faisait l’orgueil de toute la région. Ses branches, adroitement taillées, laissaient retomber jusqu’au sol le pourtour de son feuillage, comme un frais et mouvant rideau. Cette ondoyante barrière franchie, on avait la charmante surprise de se trouver dans une vaste salle circulaire, décorée d’or et de pourpre par le dôme épais des feuilles murmurantes. Une fois par an, à la fête du village, trois musiciens s’installaient au pied de l’arbre géant et cent couples dansaient à l’aise sous la vaste tente.

C’est pourquoi, dans le pays, le vieil arbre