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par un beau dimanche

Joséphine était longue, mince et mûre. Une toilette blanche et noire, quelque peu démodée, trop simple par ici, trop recherchée par là ; des biioux de grand’mère mêlés à des colifichets de fillette ; des attitudes trop dignes et trop réservées, auxquelles succédaient, soudain, des zézayements de bébé et des gambades, un peu lourdes, de chevrette en liberté ; enfin, un redoutable bagage de citations soi-disant poétiques, de phrases toutes faites depuis longtemps périmées, tout clamait en elle, aussi clairement que si elle l’eût écrit sur une pancarte pendue à son cou maigre et tendineux :

— Je suis bien jeune encore, et j’ai dit adieu à la jeunesse ! J’ai dans le cœur des trésors d’affection, et j’ai dit adieu à l’amour !… Ah ! si je voulais !… Mais je ne veux pas, je ne veux pas !… C’est moi, moi seule qui ne veux pas !

Marie, plus logique avec elle-même, sacrifiait à tous les illogismes de la mode la plus récente, dans la mesure où ils pouvaient mettre ses qualités en évidence et pallier ses menus défauts. Elle songeait à plaire, simplement, à plaire à tous et toujours, et y réussissait sans peine, grâce à la fraîcheur triomphante de ses dix-neuf ans, à son gracieux petit corps alerte et souple, à son joli visage un peu pâle, illuminé par deux grands yeux noirs où luisaient la fièvre et le désir de vivre et d’aimer.

Fouillant le talus du bout de leurs ombrelles, et déplorant à voix trop haute de ne pas y trouver la moindre violette, les deux sœurs musaient de leur mieux, laissant peu à peu s’augmenter la distance qui les séparait de leur père. Parfois, en regardant à la dérobée par-dessus leur épaule, elles voyaient un superbe feutre gris pointer au tournant du chemin, puis disparaître vivement derrière l’arbre ou le buisson le plus proche. Marie souriait alors d’un air