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Page:Ista - Par un beau dimanche, 1921.djvu/81

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par un beau dimanche

fond de l’enclos, apportait aux visiteurs, comme un charmant souhait de bienvenue, la timide caresse des parfums subtils, presque insaisissables encore. Et le bon docteur, la face épanouie, les narines largement ouvertes, humait l’atmosphère retrouvée de son domaine chéri, avec l’ineffable béatitude d’un vieux chérubin qui balance son encensoir devant le trône céleste du Père Éternel.

— Toujours des fleurs ! Toujours des roses ! Toujours votre absurde marotte ! persifla M. Hougnot. Vous n’êtes pas honteux, à votre âge, d’avoir encore ces goûts niais de petite pensionnaire ? Le docteur réprima une machinale envie de se signer, comme une dévote qui entend blasphémer le nom de la Vierge Marie.

— J’ai vu s’agiter autour de moi bien des passions, dit-il gravement. Je n’en connais pas de plus belle, de plus pure et de plus innocente que celle des fleurs. C’est mon luxe, à moi, et je crois bien que c’est le seul qui n’ait jamais ruiné la fortune ou la santé de personne. Laissez-moi donc cette marotte, si marotte il y a, puisqu’elle m’amuse et ne fait tort ni à mes semblables ni à moi-même.

— Un homme ne doit avoir que des plaisirs virils ! déclara avec énergie M. Hougnot.

— L’alcool ?… Les cartes ?… interrogea doucement le docteur. J’ai souvent cherché, sans le moindre succès, à découvrir ce que ces amusements pouvaient avoir de plus viril que l’horticulture.

— Parce que vous êtes un crétin ! aboya l’autre, qui savait que de tels mots suffisaient à clore victorieusement toute discussion avec son beau-frère, et ne prenait donc plus, depuis belle lurette la peine de chercher de meilleurs arguments.

La discussion fut close, en effet.

Les deux jeunes filles, prenant les devants, étaient entrées tout de go dans la maison, puis