Page:Istrati - Kyra Kyralina.djvu/72

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« Je ne pourrai pas vous la raconter dans le détail ; cela m’est trop pénible…

« Barricadé dans cette maison de malheur, je n’osais plus mettre le pied dans la rue que très rarement et seulement de nuit. On m’interdisait même de descendre au magasin. Pas de visite… Pas de relations… Aucun travail… Tout ce que je disais, tout ce que je proposais, tombait mal… À table on était comme des sourds-muets… Et moi, en babouches et en bras de chemise, je me promenais d’une chambre à l’autre comme un parasite, comme un drôle, ou comme certains autres pensionnaires.

« Les deux beaux-frères venaient tous les dimanches. Je leur demandai de me prendre à Galatz dans leur affaire à quoi je m’entendais quelque peu. Ils me parlèrent de divorce. Et, en effet, diriez-vous, c’eût été la solution la plus sage. — Pas du tout.

« Ma femme s’était, depuis le mariage, complètement détachée de sa famille. Toute sa vie était maintenant enracinée dans la mienne, dans cette vie misérable et estropiée. Sans larmes et sans rancune, elle avait accepté le malheur avec une bra-