Page:Ivoi - Jud Allan, roi des gamins.djvu/120

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— Eh bien ?

— Le cacique, comme ses enfants, doit porter le tatouage de la tribu.

— Une fleur étrange, balbutia la jeune fille d’une voix étranglée.

— Oui, la fleur de l’aloès chiriquite, dont les indigènes tirent le pulque, cette boisson fermentée du pays mexicain.

— Elle a le tatouage sur la face interne du bras, prononça Mme  de Armencita d’une voix assourdie.

Linérès chancela.

La prédiction de la voyante se réalisait. Elle allait retrouver sa mère véritable. Et dans son esprit une pensée se mêlait à celle-ci. La voyante lui avait aussi montré les traits de Pierre de Chazelet, avec ces paroles prophétiques :

— Voici celui qui t’épousera !

Amour filial, rêves d’avenir tourbillonnaient dans le cerveau, dans le cœur de la jeune fille.

Elle se laissa serrer sur la poitrine de Jemkins.

Elle perçut vaguement ses paroles affectueuses, et aussi les phrases plaintives que sa mère adoptive débitait d’un ton monotone.

Une brume l’enveloppait. Elle avait la certitude de vivre et l’épouvante de rêver. Soudain on gratta à la porte ; une femme de chambre parut :

— M. le juge d’instruction vient d’arriver ; il souhaite interroger ces dames.

— Le fâcheux ! grommela Frey. Enfin, on ne peut éconduire ces gens de justice. Venez, je vous accompagnerai, et je tâcherai qu’on vous laisse tranquille le plus rapidement possible.

Et les faisant passer devant, il murmura pour lui seul :

— Délicieux, ce juge d’Instruction… Mon histoire figurera au procès-verbal… Une estampille officielle… Délicieux !

Il souriait avec une ironie, qui eût fort donné à penser à Linérès si elle avait pu remarquer ce sourire.

Mais son « Cousin Frey » avait repris son apparence habituelle, lorsqu’elle pénétra, entre lui et Mme  de Armencita, dans le grand salon, où le juge attendait en compagnie de M. Lerenaud.