Page:Ivoi - Jud Allan, roi des gamins.djvu/124

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formula de propos délibéré. Frey y répondit néanmoins.

— Ma cousine passait pour riche auparavant, maintenant c’est bien autre chose. Elle représente des mines d’or, de pétrole, d’argent, de charbon, des propriétés que vous ne soupçonnez pas dans le vieux Monde où vos résidences sont toutes petites… Tenez, dans la Californie mexicaine par exemple, elle possède une exploitation où dix de vos départements de France se trouveraient à l’aise.

Pierre était devenu fort pâle.

— Je comprends, monsieur, fit-il d’une voix tremblante ; elle a en vous un protecteur suffisant, elle n’a plus besoin d’en avoir d’autre…

Il ne continua point. Jemkins s’était renversé en arrière, faisant trembler les vitres d’un formidable éclat de rire.

— Vous ne comprenez rien du tout, s’écria-t-il enfin.

— Cependant.

— Si je suis venu, c’est pour négocier avec vous un engagement.

Du coup, Chazelet ouvrit des yeux énormes :

— Un engagement ?

— Eh oui ! Il parait que vous voulez marier Linérès.

— Oh ! monsieur, ne raillez pas.

— Qui vous parle de railler ? Linérès trouve que cela est bien ainsi, et comme je suis son parent depuis trop peu de temps pour la contrarier, je pense aussi comme elle.

Cette fois, le jeune homme sentit le sang affluer à son cerveau, ses yeux se troublèrent et, d’une voix déchirante, il clama :

— Par grâce, monsieur, expliquez-vous clairement.

— Bon voilà ! Vous êtes un marquis authentique, all right ; Linérès est une multimillionnaire très authentique aussi. Faisons affaire. Mettez le nom sur les millions.

C’était la demande en mariage. C’était le rêve, éclos à la passe de Castille, se transformant en réalité.

Et pourtant Pierre secoua la tête. La forme employée par le brasseur d’affaires l’avait blessé au plus délicat de son être.

— Les millions ne font rien à l’affaire, prononça-t-il fièrement, je ne suis pas celui qui se vend.

L’hilarité de l’Américain redoubla.