te connais, Rouge-Fleur, et je t’aime parce que tu es ennemie de ces gens d’Amérique.
Cela amène un rire perlé sur les lèvres de la jolie Chinoise.
— Oui, oui, bonne mère, je conçois cela. Peau-Rouge et Peau-Jaune ont les mêmes adversaires : ces Figures Pâles…
— Tu parles selon la raison, aimable Rouge-Fleur. Aussi vais-je tenir ce que t’a promis mon messager.
Et le visage de la jeune femme s’éclairant, la vieille poursuit :
— Tu veux le triomphe du Japon, n’est-ce pas ?
Dans les yeux de Rouge-Fleur s’allume un éclair cruel.
— Par les dix mille Bouddhas, gronde-t-elle, je donnerais ma vie pour l’écrasement de ces barbares blancs qui croient pouvoir parler en maîtres !
Sa compagne hoche la tête d’un air satisfait et doucement, sa voix étant à peine un murmure :
— Frey et ses amis sont pourtant tes alliés.
— Il faut un marchand pour vendre ce que l’on ne peut prendre, riposte durement la Chinoise.
La vieille lui saisit la main, la caresse comme pour apaiser ce mouvement de colère.
— Bien répondu, petite Rouge-Fleur. Oui, il faut un marchand sans conscience, que l’on méprise alors même que l’on se sert de lui.
— Oui, bonne mère, on le méprise, mais il commande.
— Non.
À cette réponse, la jeune femme a un sursaut soudain.
— Non, dis-tu ?
Toute sa personne formule une anxieuse interrogation.
— J’ai dit non, prononce lentement son Interlocutrice. Cependant ce mot dit trop ou trop peu. Aujourd’hui, l’affaire est engagée ; il convient que le marchand subsiste. Seulement, au lieu de commander, il obéira.
— Lui !
C’est un cri de joie qui jaillit des lèvres de Rouge-Fleur.
Il n’y a point de doute. Elle hait celui dont elle parle.
La vieille femme le constate. Sous son capuchon ses yeux brillent, et elle reprend :