Page:Ivoi - Jud Allan, roi des gamins.djvu/28

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Là, plusieurs miquelets devinaient autour de la table occupée naguère par Perez Caldero et ses collègues muletiers.

Olinda fit un signe imperceptible au caporal commandant le détachement, et passa dans un jardinet situé derrière l’auberge.

Deux minutes après, le caporal l’y rejoignait.

— C’est fait, señor Caporal, il vous accompagnera demain.

— Alors, vertueuse Olinda, tu as gagné ton argent.

— Honnêtement, J’ose le dire.

— Et je le répète après toi… Et je te prouve la sincérité de mes paroles en te versant la somme promise.

Quelques pièces d’or de vingt-cinq pesetas (vingt-cinq francs) glissèrent de la main du caporal dans celle de la posadera, dont les yeux s’allumèrent de convoitise.

— Vous m’assurez au moins que vous ne lui voulez pas de mal ? demanda-t-elle cependant.

— Les miquelets répriment le mal, mais ne le font pas, répliqua sentencieusement son interlocuteur.

Phrase pompeuse qui ne calma pas les craintes de la commère, car elle leva les yeux au ciel en murmurant :

— Que la Santa Virgen d’Avila te punisse si ta langue est menteuse.

Ce qui incita l’homme à faire un grand signe de croix, tout en riant d’un air gouailleur.

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Au centre d’une plaine ravinée, où la verdure sombre des sapins, l’émeraude des pâturages et le rougeoiement des rocs dénudés alternent, s’élève une butte escarpée.

Au sommet se dresse une ruine imposante. Tours carrées éventrées, murailles à machicoulis lézardées, effritées par le temps et l’abandon, contant au voyageur l’éternelle histoire des puissances déchues.

Tels sont les restes du château-fort de Armencita.

En face de la porte trapue, surmontée de l’écusson comtal usé par les intempéries, à demi-caché par des mousses blanchâtres, Pierre de Chazelet s’arrêta.

De grand matin, il avait quitté la posada del Cid. Selon la promesse de dame Olinda, les miquelets lui avaient offert place dans l’un des chariots, à roues pleines, sur lesquels ces soldats d’infanterie effectuaient leur marche.