Page:Ivoi - Jud Allan, roi des gamins.djvu/289

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arrière. Deux hommes, dissimulés jusque-là par des vitrines, venaient de se dresser devant lui.

Il les reconnaît aussitôt. Tom et Jetty, avec qui, jadis, il quitta la prison d’Alb-Point, lui barrent le passage.

Eux ne sauraient reconnaître, dans l’homme, le gamin d’autrefois. Mais ils ont reçu une consigne de leur chef. Ils l’exécutent.

— Eh ! eh ! ricane Jetty, demeuré l’orateur du duo, l’amour de la promenade vous égare, gentleman… Les salons sont en bas. Redescendez l’escalier, continue Jetty, croyez-moi. Cela sera plus convenable pour vous et pour nous.

— Ma foi, riposte enfin le professeur, en s’approchant insensiblement de son interlocuteur, je ne pensais pas commettre une faute en venant présenter mes hommages à la parente de mon hôte, à Mrs. Pariset.

— Personne ne doit voir Mrs. Pariset. C’est l’ordre formel du médecin. Vous ne saviez pas ? Maintenant vous êtes averti. J’ai accepté de veiller à la tranquillité de cette dame, et je fais honneur à mes engagements.

Au fond des paroles de Jetty se sent une sourde menace. Mais soudain, Jud bondit en avant ; quelques gestes rapides, et la voie est libre. Tom et Jetty gisent à terre, assommés. Seize ans auparavant, le chevalier vagabond s’était fait fort de les tomber, il vient de tenir parole.

Il tourne le bouton de cuivre ciselé. La porte s’ouvre. La veuve est là, devant lui. Dans son fauteuil, sous la lueur d’une lampe électrique à l’abat-jour rose, elle prend une physionomie fantastique. Un instant, Jud demeure interdit. Pour la première fois, il se trouve en présence de celle qui ignore son dévouement, de cette mère qui, sans doute, lui ouvrirait ses bras, si elle pouvait savoir que le sauveur de Lilian est auprès d’elle. Mais, d’un instant à l’autre, il peut être dérangé. Il faut se hâter d’exécuter le plan germé en son esprit.

— Madame, commence-t-il…

Elle ne fait pas un mouvement. Il reprend, sur un ton plus élevé :

— Madame…

Sans attirer l’attention de la démente. Alors il a un geste violent.

— Mère ! Mère, murmure-t-il, il faut que tu m’indiques la prison de celle que tu pleures.