Page:Ivoi - Jud Allan, roi des gamins.djvu/372

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— À bien établir que je vous suis obligé, cher monsieur Jemkins… Au surplus, vous avez fait tous vos efforts pour m’assurer une fortune considérable, ce qui est fort gracieux, et ce qui l’est davantage encore, pour me donner une épouse accomplie… Il faudrait être un monstre pour répondre à de tels procédés par de l’ingratitude. C’est l’invraisemblance même de la supposition qui me met à l’aise pour vous avouer aujourd’hui mon état d’âme, excusez la locution parisienne, elle rend excellemment ma pensée.

Les mains de Jemkins s’étaient crispées sur les bras de son fauteuil.

D’une voix sifflante, il demanda :

— Peut-on connaître cet état d’âme ?

— Comment donc ! Linérès et moi avons beaucoup réfléchi, depuis que nous sommes arrivés à Agua Frida ; nous avons mis en commun nos esprits et nos âmes. Si j’insiste sur ce point, c’est afin de vous démontrer que notre franchise nous cause une mortelle tristesse.

Tous écoutaient, une surprise épandue sur leurs traits.

— Or, acheva le marquis, nous estimons de probité élémentaire de ne pas accepter une fortune sans la certitude d’y avoir droit.

Un murmure violent accueillit cette péroraison. Jemkins ouvrit la bouche, mais aucun son n’en jaillit. L’excès de la colère étranglait sa voix. Mais le flamboiement de son regard disait sa fureur. Cependant il se domina. De la main il rappela ses complices au silence. Puis il demanda :

— Pouvez-vous préciser davantage ?

Sous le calme voulu, on sentait l’orage. Le marquis ne s’en émut pas.

— Volontiers. Car, je vous dois — il appuya sur le mot — toutes les explications que vous jugerez utiles.

— Eh bien ! Je souhaite savoir d’où vous vient le doute.

— D’un ensemble de circonstances… Les attaques dont nous sommes l’objet ; la fuite, je ne vois pas d’autre nom à donner à notre voyage précipité, la fuite inquiète qui nous a amenés ici…

— Si bien, gronda le milliardaire laissant enfin éclater son courroux, si bien que vous vous dites : Frey Jemkins a des ennemis puissants. Il s’est mis en danger pour nous. Nous nous refusons à l’appuyer.

— Nous ne nous entendons pas. Je souhaite ardem-