Page:Ivoi - Jud Allan, roi des gamins.djvu/54

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— Quoi ? Qu’y a-t-il ?

— Non, mon petit Pierre, ne me mouds pas cet air-là.

— Qu’est-ce que tu dis ? Sur l’honneur, je ne comprends pas.

— Sur l’honneur… ? Allons, voyons, Chazelet, pas de ces plaisanteries-là… Tu n’es pas somnambule, tu ne t’enivres pas, donc, tu étais de sang-froid, quand tu m’as fait passer ta dépêche d’Irun.

— D’Irun ? répéta Pierre abasourdi ?

— Ah bien, tu es distrait ! Tiens, voici le « bleu » ainsi conçu : « Arriverai Paris-Orsay rapide de six heures quinze. Retiens-moi chambre au Palais d’Orsay. Amitiés… » et signé comme tu as coutume de le faire, ô gentilhomme dédaigneux de la particule « Chazelet ».

Le marquis ne répondit pas de suite.

La féerie continuait

Il était bien certain de n’avoir expédié aucune dépêche… Allons, les volontés ignorées, qui s’agitaient autour de lui, avaient encore travaillé.

— Et tu as retenu la chambre ?

— Parfaitement ! Une chambre dont les fenêtres donnent sur la rue de Lille. J’y ai fait transporter tes habits, que j’ai subtilisés à l’âpreté de tes créanciers.

— Cher ami !

Le sourire reparut sur les lèvres de Chazelet. Il s’était éloigné de Paris précipitamment, un costume de tourisme sur les épaules, le linge indispensable dans sa valise, et ma foi, il n’était pas fâché d’apprendre qu’il allait pouvoir se redonner l’apparence élégante d’un Parisien soucieux de ses dehors.

— Je te guide. Tu t’habilles, tenue de soirée. Le dîner est commandé au Palais même. Ensuite, je te conduis à la Tour Eiffel, dans la lanterne. Expériences de sans fil très intéressantes. De là, au dernier bal de la saison, boulevard de Courcelles, à la Légation d’Espagne.

— Pourquoi

— Pour que tout le monde voie un Chazelet superbe, joliment bruni par le soleil de tra los montes, et pas du tout abattu par les incidents financiers dont il a été la victime.

— Est-ce nécessaire ?

— Oui, c’est nécessaire à mon bonheur.

— Oh ! en ce cas…