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L’AÉROPLANE-FANTÔME

Ceux qui se dirigent vers Mourmelon aperçoivent une dernière fois l’aéroplane Loisin filant à tire-d’aile, c’est le cas de le dire, dans la direction de son garage du camp de Châlons.

Ils le saluent de leurs acclamations, heureux de l’entrevoir une fois encore.

Mais l’appareil passe vite, s’éloigne. Son pilote a-t-il seulement entendu ?

Il est probable que non. Il rêve, si rompu à la manœuvre du planeur, qu’il l’assure d’instinct, tandis que son esprit flotte encore au-dessus de Mourmelon suivant une silhouette gracieuse et blonde.

Tout là-bas, en avant, il discerne le hangar Loisin. Alentour se tient un groupe de personnes. François reconnaît le constructeur, les aides, le comptable Tiral.

Mais voici aussi M. Fairtime et ses fils : Péterpaul, Jim.

Que font-ils en cet endroit ?

L’aéroplane est trop rapide pour lui laisser le temps de répondre à la question.

Il se pose avec une douceur remarquable à quelques mètres du hangar…

Et c’est une ruée vers l’appareil. François est presque tiré à terre. On le félicite de son succès, on lui serre les mains. Loisin exulte, Tiral délire, les employés rugissent leur joie de la victoire de la marque Loisin et Cie.

Et le père d’Édith, ses frères font chorus avec le personnel des usines de Billancourt.

Seulement, en Anglais pratiques, ceux-ci profitent de l’instant où l’attention de tous est accaparée par l’aéroplane, qui réintègre son hangar, pour entraîner le vainqueur vers une automobile stationnant à peu de distance. Ils le poussent avec une violence amicale dans le véhicule, y sautent à leur tour, et la machine part en vitesse, tandis que Péterpaul, de sa voix de stentor, crie aux Français ahuris par ce brusque enlèvement :

— Ce soir, le champain (champagne) à l’hôtel de l’Aigle. Nous toasterons ensemble de cœur ami.

Ils peuvent tout juste répondre d’un signe de tête. L’automobile est déjà loin.

Alors, le père d’Édith frappe légèrement le bras de François, et d’un ton grave :

- À nous deux, voulez-vous ? Je tiens à dire, à présent que nous sommes seuls, que vous avez terriblement compromis ma fille, miss Édith, devant deux cent mille inconnus.

Le jeune homme tressaille. Voilà ce qu’il craignait confusément. Il veut s’excuser, son interlocuteur ne le permet pas.