avait licence de déposer, durant quelques heures, le masque douloureux que la diplomatie appliquait tout le jour sur son visage.
Les habitants le saluaient très bas quand ils le croisaient dans la rue. Les pauvres gens comprenaient le martyre de l’ambassadeur de Napoléon.
Mais, depuis le 18 février, des nouvelles troublantes étaient arrivées à Châtillon. On avait appris que l’Empereur ayant établi son quartier général à Troyes, le 4, en était parti secrètement le 6, avait remonté avec ses troupes vers la Marne, que les troupes de Blücher, d’Olsouvieff, de Sacken suivaient dans leur marche sur Paris. Puis une série de victoires des armes françaises :
Le 10, écrasement des Russes d’Olsouvieff, à Champaubert ; 4.000 tués ou blessés, 3.000 prisonniers, 55 pièces de canon, 14 étendards au pouvoir des troupes impériales. Le 11, bataille de Montmirail, défaite du corps russo-prussien de Sacken et des régiments anglais d’York : 5.000 prisonniers, 98 canons et des drapeaux enlevés ; le 14, rencontre de Blücher à Vauchamps et à Éloges. L’armée prussienne mise en déroute, laissant aux vainqueurs 10.000 prisonniers et 172 canons.
Libre du côté de la Marne, certain qu’il faudrait environ une quinzaine au général Blücher pour reformer ses troupes, Napoléon s’était rapidement porté sur Meaux, puis redescendant vers la Seine, battant les partis alliés à Mormant, à Villeneuve, il enlevait le 18, le pont de Montereau, défendu par les soldats de Schwarzenberg, qui s’était avancé jusqu’à cet endroit.
Là, l’Empereur s’était arrêté deux jours, pour faire franchir la Seine à ses régiments, et pour expédier ses ordres : à la régente au sujet de la réception des prisonniers à Paris ; à Lazare Carnot pour la défense d’Anvers ; à Augereau et au prince Eugène au sujet des opérations à exécuter par les corps d’armées de Lyon et d’Italie.
Le 22, bataille de Méry, et le 23, rentrée de Napoléon à son quartier général de Troyes, après avoir, en quinze jours, livré huit batailles, fait 28.000 prisonniers, enlevé plus de 400 pièces d’artillerie, désorganisé l’armée de Blücher et rejeté vers la haute Seine celle du prince de Schwarzenberg.
L’aigle venait d’imprimer l’empreinte de ses serres dans la chair de ses ennemis.
Dire la rage de ceux-ci est impossible. C’était une rage mêlée de peur qu’ils éprouvaient, devant la manifestation du génie de l’adversaire qu’ils croyaient abattu. Avec 55.000 hommes, Napoléon avait repoussé les deux cent mille soldats de première ligne de l’invasion.