Page:Ivoi - La Mort de l’Aigle.djvu/209

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Comme il advient toujours en pareil cas, les coalisés, saisis aux viscères par la crainte, voulurent épouvanter les populations. Partout le pillage, l’incendie, les exécutions sommaires opérées sous le plus futile prétexte, terrifièrent les habitants.

Bien plus, on décida que les francs-tireurs capturés dans la forêt d’Argonne, où les braves gens, volontaires sans mandat, harcelaient les convois de l’ennemi, seraient amenés à Châtillon et passés par les armes, presque en vue des avant-postes français.

Voilà pourquoi la ville était si triste ce jour-là, 26 février.

Dans une salle simplement meublée, faisant partie d’une maison de la place Saint-Voile un homme était seul.

Le front haut, le nez à l’arête droite, le menton autoritaire, la bouche bonne, tout dans la figure du personnage, encadrée de favoris peu fournis, disait la loyauté, la ténacité.

C’était Armand-Augustin-Louis de Caulaincourt, duc de Vicence, sénateur, représentant la France au Congrès de Châtillon.

Debout devant la fenêtre, serré dans son habit brodé d’or, le front appuyé à la vitre, il regardait mélancoliquement au dehors.

La place, que l’incendie de 1822 devait entièrement métamorphoser, figurait alors un rectangle à peu près régulier, dont la demeure du diplomate occupait l’un des côtés les moins longs.

En face, à l’autre extrémité, s’élevait la petite église du Saint-Voile, à la fois lourde et gracieuse avec son architecture du xe siècle, et son presbytère accolé à son flanc gauche.

Le côté droit de l’esplanade était occupé par l’hôtellerie du Cheval Blanc, derrière les pignons de laquelle s’apercevaient les toitures d’ar-