Puis changeant brusquement de ton :
— Garde à toi, j’enchaîne.
Et derechef, la comédie continua.
Au surplus, elle s’acheva sans encombre au milieu d’un tonnerre d’applaudissements.
Les jeunes gens saluaient le public, prêts à quitter la scène, le cœur bondissant de joie à la pensée d’avoir évité le danger inconnu qui les menaçait, quand une voix, qu’ils reconnurent bien, les cloua sur place.
— Seigneur Bobèche, vous et votre jeune émule, avez été admirables de tout point. En ma qualité de Français, je désire vous assurer un nouveau triomphe, assurer à mes nobles amis, réunis pour vous écouter, un nouveau plaisir.
Puis avec une ironie aiguë :
— Un plaisir que je partagerai, car, exilé de France, je n’ai jamais assisté à vos parades.
— Voilà le coup, murmura le pitre… Mon vieil Espérat, ouvrons l’œil.
— Mais, poursuivait le vicomte, de tous vos succès, l’un surtout a fait du bruit dans le monde. C’est, si je ne m’abuse, une sorte d’improvisation sur l’actualité, sous un titre invariable.
Il parut chercher :
— J’y suis… Le duel à coups de botte ou la situation politique.
Des sourires accueillirent l’énoncé de cette annonce baroque.
— Eh bien, je crois exprimer le désir de tous, en vous priant de nous traduire en parade les événements de ce mois de février qui s’achève.
— Cela y est, chuchota Bobèche, il se souvient que tu es fanatique de l’Empereur, il veut t’obliger à le bafouer.
Mais la proposition du vicomte avait émoustillé le public.
— Oui, oui, criait-on de toutes parts. Le duel à coups de botte.
— La dernière lutte de l’ogre de Corse, clama l’organe de d’Artin, dominant le tumulte.
— C’est cela, c’est cela…
Le pitre essaya de se défendre :
— Nobles seigneurs, dit-il, nous sommes touchés plus que nous ne saurions le dire de votre flatteuse requête,… mais…
— Pas de mais, lui répondit-on, pas de mais… Le duel à coups de botte.
— Permettez, l’art dramatique a ses exigences.
— L’art doit s’incliner devant la volonté générale.