— Cette mise en scène, je vous prie ?
Les assistants, d’Artin lui-même furent trompés ; ils crurent au calme du pitre.
La voix du vicomte s’altéra pour répondre :
— La chose sera courte. Il s’agit de nous accompagner à la ferme Éclotte.
— Volontiers.
Le gentilhomme eut un mouvement d’impatience. Un instant, il craignit que sa dernière expérience fût aussi infructueuse que les précédentes.
S’il en était ainsi, Espérat lui échappait, Espérat que ses combinaisons perfides visaient seul. Son regard se posa sur le gamin, brillant d’un éclat satanique.
Mais, effet singulier, il sembla que sous ce coup d’œil, Milhuitcent se transformât. Son attitude raide, inquiète, devint aisée ; son visage se dérida. Il s’éloigna d’un pas, et comme Bobèche, étonné de ce mouvement qui mettait son jeune compagnon hors de la portée de sa main, interrogeait des yeux ce dernier, Espérat le rassura d’un sourire ; narquois, il demanda :
— Nous voici à la ferme Éclotte, après ?
— Après, reprit d’Artin… On vous mettra en présence de prisonniers… Oh ! pas intéressants ; ce sont des drôles amenés ici de la forêt d’Argonne, où ils faisaient le coup de feu. Le pays entourant Châtillon est hésitant ; il importe de lui imprimer la bonne direction.
— Et… ?
— Concevez l’effet produit quand, à la face de ces brigands qui s’intitulent : la nation, des artistes de votre valeur répondront par le cri de…
Le vicomte s’arrêta.
— Le cri de… interrogea Bobèche ?
D’Artin allait répondre, mais plus prompt que lui, Espérat s’écria :
— Le cri de : Vive le Roi ! Parbleu, il est étrange que tu n’aies pas deviné cela de suite.
L’anxiété se peignit sur toutes les physionomies.
Seul le gamin souriait.
— Pour ma part, reprit-il, je suis infiniment flatté d’être chargé de pareille mission. Ma voix, mes poumons sont au roi.
Et le pitre le considérant avec effarement.
— Toi aussi, j’imagine, patron Bobèche, poursuivit le jeune garçon avec les inflexions baroques du dialogue de Galimafré. Toi aussi, tu es au roi comme moi-même.