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LE MAÎTRE DU DRAPEAU BLEU

La route était devenue un sentier, large d’un mètre à peine, sorte de digue étroite jetée au milieu des eaux stagnantes, et sur laquelle ils ne pouvaient avancer qu’à la file.

Et puis le terrain s’exhaussa peu à peu… Les voyageurs entraient dans le district de Kayali, région rocheuse et boisée, désert sauvage enclavé dans la province du Bas-Bengale, l’une des plus fertiles et des plus peuplées du globe.

Les chevaux haletaient. Évidemment les malheureuses bêtes, accoutumées aux courses paisibles des Magistrats, sentaient l’épuisement après le galop forcené auquel leurs nouveaux propriétaires les avaient contraintes.

Comme on pénétrait dans un bois épais, le cheval de Mona buta contre une racine et s’abattit. Trois cris de terreur se firent entendre, mais Mona, entraînée dans la chute de sa monture, se releva aussitôt. Elle n’avait aucun mal.

Péniblement on remit le quadrupède sur ses pieds.

Mais l’animal exténué ne semblait plus en état de marcher. Ses jambes tremblaient sous lui, la sueur ruisselait sur ses flancs, et ses yeux agrandis, comme prêts à jaillir des orbites, exprimaient une sorte d’épouvante.

La lassitude ne suffisait pas à expliquer l’étrange attitude du cheval.

C’est du moins ce que pensèrent Dodekhan et Lucien, car tous deux mirent pied à terre, s’approchèrent, soulevèrent une à une les jambes de la monture de la jeune Russe et promenèrent leurs mains sur la sole des sabots.

Une exclamation étouffée, un hennissement léger, puis le cheval s’ébroue bruyamment.

— Vous avez découvert quelque chose ? murmura Sara baissant la voix.

— La preuve que l’ennemi est autour de nous. En vain nous avons couru, il ne nous a pas perdus de vue.

— Que voulez-vous dire ? fait doucement Mona.

Sans un mot, Dodekhan lui tend un objet de petite dimension. Elle le prend… Qu’est-ce donc que cette petite boule de métal autour de laquelle rayonnent des pointes acérées ? À son regard interrogateur, le turkmène répond :

— Engin contre la cavalerie.