Page:Ivoi - Le Message du Mikado.djvu/163

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chagrin de me séparer de nos compagnons ; quelques jours de répit sont un cadeau du hasard bienveillant.

Elle eut un sourire énigmatique :

— Ah ! oui, je te comprends, mon pauvre Marcel. Je te comprends si bien que je ne crois pas le ciel assez cruel pour permettre une chose aussi douloureuse.

Il voulut interroger, secoué par l’énigme de ces paroles, mais elle mit un doigt sur ses lèvres et chuchota :

— Silence ; voici la jolie Sika avec son père !

Elle disait vrai. À ce moment même, les Japonais débouchaient d’une rue latérale et s’avançaient le long du quai. Leur venue détourna les pensées de Marcel, car le général s’emporta jusqu’à la fureur pour conter que Midoulet s’était attaché à ses pas, sans le moindre répit. Seulement, tandis que Tibérade s’efforçait de le calmer, Emmie saisit la main de Sika et l’entraîna à quelque distance, sans répondre aux questions de la jeune fille intriguée par cette manœuvre inattendue.

Quelques minutes passèrent. Uko, ayant épanché sa colère, remarqua l’éloignement des jeunes filles.

— Que font-elles là ? dit-il. Ces jeunes filles auront donc toujours des mystères à se confier…

— Si mystères il y a, repartit Tibérade, ce sont des mystères gais, en tout cas.

— Vous reconnaissez cela d’ici ?

— Sans magie. Voyez leurs visages rayonnants. À les considérer, général, je vous mets au défi de ne pas penser comme moi.

On eût cru que les causeuses avaient perçu les réflexions de leurs compagnons de voyage, car elles se rapprochèrent lentement. Toutefois, avant d’arriver à l’amarrage des canots, Emmie prononça rapidement, ainsi qu’une conclusion de l’entretien :

— De la sorte, ma chère amie Sika, votre père et mon cousin n’auront plus la possibilité de se séparer, et vous aurez le sourire à jet continu, ce que mon amitié souhaite.

Une buée rose aux joues, la blonde Japonaise bredouilla :