routh, je m’engage à veiller toute une nuit, si cela vous peut agréer.
Et persuasif :
— Voyez-vous, cher monsieur Tibérade, chercher le sommeil est la sagesse même. Vous devriez dormir comme nous, ou tout au moins essayer.
— Non ! non ! je me connais ; je ne réussirais pas.
Il soulignait l’aveu d’un regard expressif à l’adresse de Sika.
Celle-ci baissa la tête, attristée de comprendre le désarroi moral du Français. Son père, d’ailleurs, prenant les mots à la lettre, grommelait :
— Veillez donc. Moi, je vous souhaite le bonsoir. Que demain arrive vite pour nous tous et nous rende votre fugace petite cousine !
Il serra la main du jeune homme, qui absorbait son dessert avec la rage du désespoir, donnant l’impression d’un convive sortant d’un jeûne de quinze jours, et il sortit, suivi de Sika, qui trouva le moyen de se retourner pour lancer un sourire consolateur à l’abandonné.
Privé de la compagnie qui lui paraissait la plus enviable du monde, Marcel se rendit au salon ; pour éviter la conversation oiseuse des autres passagers, il feignit de s’enfoncer dans la lecture d’un journal arabe, ce qui était, certes, d’autant plus méritoire, que le jeune homme ignorait même l’alphabet de cet idiome. C’est dire qu’il se plongea dans ses réflexions.
Durant une heure, il envisagea à tous les points de vue les événements qui avaient marqué son séjour à Port-Saïd.
Le sommeil général autant qu’inexplicable à l’arrivée. La disparition du vêtement diplomatique, compliquée de celle d’Emmie ; celle-ci se déclarant entraînée vers Beyrouth.
Mais à épiloguer en monologue sur ce sujet, il réussit seulement à se donner une véritable courbature cérébrale, sans parvenir à asseoir une opinion acceptable.
Si bien que, de guerre lasse, le cousin de la petite souris quitta le salon, gagna le pont, et se jetant sur un rocking-chair abandonné dans l’ombre de la pas-