Page:Ivoi - Le Message du Mikado.djvu/212

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— Mohamed, acheva l’interlocuteur du Druse. Il est mort, je crois, et l’on doit procéder prochainement à l’incendie de sa demeure, ce qui, selon la coutume des montagnards, est censé honorer sa mémoire.

— Tel est l’usage druse, tu l’as dit. Eh bien, Ahmed, c’est cet incendie qui motive notre voyage.

Le Persan eut un geste surpris :

— Tu veux y assister, je le conçois, bien que…

— Tu erres, ami. Je veux qu’une jeune fille, qui a mon cœur, n’y assiste pas.

Et comme son interlocuteur répondait par une sourde exclamation, Yousouf reprit d’un ton sombre :

— Il y a six mois environ, Mohamed, le vieillard, eut la fantaisie d’unir son hiver au plus radieux des printemps. Ce barbon songea à épouser Alissa, la perle du bourg de Téfilelt. La douce créature aux yeux de velours, noirs autant que la nuit, sous la chevelure blonde, tissée de rayons de soleil, Alissa Périkiadès, refusa…

Le Persan hocha soucieusement la tête.

— Voilà un refus motivé, mais dangereux… Repousser le chef suprême des Druses ! Elle est audacieuse, cette jeune Alissa.

— La tendresse lui donna le courage…

— Ah ! ah ! son cœur…

— S’est donné à moi ; à moi, qui lui appartiens tout entier, mon cher Ahmed.

— Eh bien, fit légèrement le Persan, la solution est simple. Mariez-vous.

Mais la main de son interlocuteur se posa rudement sur son bras :

— Ne plaisante pas, Ahmed ; je viens de vivre une agonie. Tu le sais, tout ce qui a appartenu au maître, femmes, armes, chevaux, chiens, doit être brûlé avec son palais, pour le suivre dans les territoires divins de l’au-delà. Or, le Conseil des Anciens, ce conseil tout-puissant parmi les Druses, a décidé qu’Alissa Périkiadès, ayant appartenu au regard du défunt[1], doit périr dans les flammes.

  1. Le plus récent massacre de Maronites fut provoqué par une décision semblable.