Il désignait Emmie, laquelle appelait sur son visage l’expression du plus profond étonnement.
— Le Prophète sait tout, acquiesça sentencieusement le cheik, ne doutant pas de la réalité du miracle. Il sait tout, parce qu’il se tient à la dextre d’Allah, et qu’il lui est loisible de feuilleter le livre du Destin.
Puis avec une curiosité mêlée de timidité, comme s’il eût craint d’offenser le ciel coranique :
— Mais toi-même, grand savant, sage parmi les kodjas et les muezzins, comment sais-tu ces choses célestes que tu affirmais à l’instant ?
Se plongeant de plus en plus dans la comédie dirigée par la « petite souris », le général répondit sans hésiter :
— Je les lis sur ce papier sacré.
— Et tu pourrais m’enseigner le sens de ces figures ignorées de moi ?
— Aisément. Écoute et sois satisfait.
D’une voix pieuse, tel le fidèle élevant vers l’infini une implorante oraison, il prononça les syllabes, les égrenant avec une lenteur sacerdotale :
« L’enfant, qui a compris le signe abandonné dans le désert, est chère entre toutes à Allah et à son Prophète ! C’est à elle que sera confié le soin des symboles, d’où naîtront les fleurs heureuses pour mes fidèles. Qu’elle veille sur le vêtement qui toucha mon Être, qu’elle veille toute une nuit en disant les prières qui lui seront inspirées par mon Esprit. Avant l’aube, avant que reparaisse le soleil, une des houris, mes servantes, lui apportera mes ordres. Que tous l’aident à les accomplir. »
Conquis par la puissance de la scène, l’Arabe tendit vers Emmie des mains suppliantes :
— Accepte, jeune fille, accepte ce que propose le Prophète.
La fillette se tourna vers lui, et avec une modestie admirablement jouée, elle murmura d’un accent ému :
— Puisque Mahomet daigne ordonner à son humble servante, elle obéira.