Page:Ivoi - Le Message du Mikado.djvu/296

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et, le tendant à la fillette en un geste dévotieux :

— Prends, jeune étrangère, le précieux dépôt ! Agis ainsi qu’il en a été ordonné !

Elle crut bon de simuler une hésitation respectueuse :

— Prends-le, insista le cheik, prends-le sans crainte, puisque tu as le bonheur d’être celle que le Prophète a désignée.

À ce moment, Kalfar ramenait devant la tente un cheval à la crinière flottante, aux yeux pleins de feu.

— Avant de partir, noble seigneur, daigne entendre une prière de ta servante, murmura l’espiègle créature tout en se mettant en selle.

— Parle, ton vœu sera exaucé, quel qu’il soit. Ramsès sera heureux de te donner cette marque de vénération.

Elle salua très bas. De la vénération, cela apparaissait irrésistiblement bouffon à la gamine dotée de l’irrévérence atavique des originaires de Paris.

— Je ne sais en quel endroit je rencontrerai la grande ombre du Prophète, réussit-elle cependant à exprimer. Peut-être sera-ce tout près. Peut-être loin. Deux de mes compagnons restent tes hôtes. Avertis de mon départ, ils voudraient m’assurer la protection de leur escorte. Or, le Prophète a interdit cela.

— Je le sais, j’ai entendu aussi cette chose.

— Alors ?…

— Ils ne quitteront mon camp qu’au lever du jour.

Et regardant Kalfar :

— Que quatre de mes guerriers veillent jusque-là à ce que mes hôtes ne puissent sortir de leur tente.

Kalfar s’élança pour exécuter ce nouveau commandement, et la mutine fillette, enchantée mais dissimulant sa joie, croisa ses mains sur sa poitrine, baissa les yeux et d’un accent où vibrait la plus indiscutable componction, elle prononça :

— J’ai foi dans la bonté du Prophète. Il m’indiquera ma route et il répandra les dix mille Félicités sur son fidèle et valeureux Ali-ben-Ramsès.

Elle rendit la main, lança un adieu reconnaissant au cheik hospitalier ; et, au grand trot, sortit du camp. Il était temps ; le rire fusait entre ses lèvres contractées. Une minute de plus, elle eût succombé au fou rire.