Page:Ivoi - Le Message du Mikado.djvu/336

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— Mais il fait des signes !… À qui ? Je ne puis croire qu’ils s’adressent à moi… Alors, où est le destinataire ?

Dans un cri étouffé, elle soupira tristement :

— Ah ! il s’éloigne !

Cette phrase avait gémi entre ses lèvres comme une plainte.

L’ombre, en effet, s’était jetée dans un massif, avait disparu. Un bruit, un danger non perceptible pour la captive, avait dû l’inquiéter.

Le jardin était redevenu désert ; Sika ressentit de cette solitude, un instant peuplée par l’inconnu, une aggravation de tristesse. La nuit suivante, le sommeil lui fit défaut. Sans cesse, tel un leitmotiv obsédant la silhouette mystérieuse se dessinait devant ses yeux, emplissant sa pensée.

Pour la même cause, la journée du lendemain lui parut interminable. À peine prêta-t-elle une attention distraite à la visite quotidienne du prince Ahmed, et cependant le Persan se montra plus menaçant que de coutume. Il alla jusqu’à dire :

— Jeune fille, je vous souhaite d’entendre la voix de la raison en ce jour ; car demain, vous obéirez ou sinon je châtierai la créature rebelle.

Cela ne l’émut pas. Elle attendait l’obscurité avec impatience, avec la conviction que le promeneur mystérieux reparaîtrait. Le soir vint enfin ; aussitôt elle reprit place auprès de la fenêtre où elle songeait la veille.

Obéissait-elle à l’un de ces pressentiments inexpliqués, enfantés par la sensibilité anormale des êtres en proie à la douleur ? Elle eût pu le croire, car le promeneur se montra de nouveau, répondant à son muet appel. Cette fois, il portait avec lui une longue échelle. Avec ce fardeau il s’avançait, marquant des précautions infinies ; il parvint sous la fenêtre même de Sika, appliqua l’échelle contre le mur et grimpa, léger comme un écureuil. Elle regardait sans un mouvement. Elle ne songea même pas que l’homme pouvait être un ennemi. Et celui-ci s’étant hissé à la hauteur de captive, son visage faisant face à celui de Sika, l’étrange visiteur retira son grand chapeau conique, provoquant ainsi un cri éperdu de la prisonnière :