Page:Ivoi - Le Message du Mikado.djvu/338

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— De quel instrument parlez-vous, ma bonne Emmie ?

— D’un joli revolver, à balles blindées, ma chère.

— Vous oseriez vous en servir ?

— Oh ! pour vous défendre. Et puis, plaisanta la petite, un fauve comme vous dites, entre nous, ça rassemble encore moins à un homme qu’un singe, n’est-ce pas ?

Pffuit ! La petite Parisienne se laissa glisser le long des montants de l’échelle, emporta celle-ci sur son épaule et se perdit sous les ombres du jardin, avec cette recommandation :

— Ne tremblez plus, je surveille le fauve !

Rien ne vaut l’espérance pour donner du calme. C’est le meilleur préparateur aux nuits paisibles, et si l’on pouvait l’administrer aux malades en cachets, plus ne serait besoin de soporifiques.

Sika s’endormit ce soir-là avec autant de tranquillité que si elle avait occupé sa chambre, dans le logis ancestral de son père, sis en la cité japonaise de Tsousihiama.

La seule présence d’Emmie dans le palais avait suffi à chasser toutes ses terreurs.

Et, de fait la mignonne Parisienne avait donné tant de preuves de décision, de courage, d’ingéniosité, qu’elle méritait d’être considérée comme un défenseur sérieux. À Marseille, à Brindisi, à Port-Saïd, partout, c’était elle et rien qu’elle qui avait dirigé les événements.

Donc, Sika se réveilla dans les plus heureuses dispositions ; pour la première fois depuis son entrée au palais d’Ahmed, elle se plut à admirer les riches parterres du jardin, que ses yeux attristés avaient à peine remarqués jusque-là. L’ombre des grands arbres lui sembla plus douce, les parfums entraînés par le vent, plus subtils.

Il est vrai qu’elle peuplait les frondaisons luxuriantes, se développant au-dessus des allées rectilignes, d’une silhouette amie ; qu’elle évoquait le visage mutin de la jeune cousine de Tibérade.

Tibérade ! Elle saluait ce nom d’un sourire extasié. Le jeune homme arriverait bientôt. Emmie l’avait dit avec assurance.