Page:Ivoi - Le Message du Mikado.djvu/353

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de Sika. Avec la jeune fille, ils ont gagné les chambres mises à leur disposition.

Par une fenêtre sans châssis, le climat rendant inutile une fermeture hermétique, ils aperçoivent une courette entourée de constructions basses, semblables à celle où ils se trouvent en ce moment.

Des ruelles étroites se coulent entre les bâtiments, rejoignant d’autres cours, d’autres pavillons, dont l’ensemble forme le caravansérail.

Et tout là-bas, à travers la baie d’une porte à l’arceau grandiose, enjolivé de faïences multicolores, se montre la nappe étincelante de l’Euphrate.

Tous se sont réunis dans la chambre du général, lequel s’agite, s’empresse en un besoin irrésistible de s’occuper de sa fille enfin reconquise. Il parle, en proie à une gaieté nerveuse qui tranche avec sa gravité habituelle.

— Sika ! Tu as besoin de te rafraîchir, ma chérie… Et vous aussi, Tibérade… Vous avez partagé le lion, il faut partager la limonade, n’est-ce pas, ma Sika ?

— J’ai pensé comme vous, général, intervint Midoulet. On va apporter une collation que j’ai pris la liberté de commander.

Les émotions, surtout lorsqu’elles sont heureuses, ouvrent l’appétit, car à l’annonce du lunch, tous les yeux brillent.

Emmie même, plus expansive, agite les mâchoires de façon expressive.

À l’instant d’ailleurs, deux serviteurs entrent : une petite hindou, aux cheveux noir bleu, au teint bistré, et un grand diable de ramousi (peuplade hindoue), coiffé au turban jaune. Ils sont chargés d’une longue planchette, analogue aux planches à repasser, et sur laquelle ils portent en équilibre des récipients et des mets variés : altermyan ou ragoût national de Bassorah, gâteaux, confitures, flacons-alcarazas de limonade, etc.

Chacun s’empresse de prendre place autour de la planchette, que les domestiques ont posée sur deux chaises ainsi que sur des tréteaux. Personne, en Orient, ne fait attention au « négligé » du service. Les voyageurs ne remarquent même pas les serviteurs dont les regards ne les quittent pas. Sans cela peut-être, s’étonneraient-ils de constater que la brune