Page:Ivoi - Le Message du Mikado.djvu/370

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

démence les actions incompréhensibles pour lui de Célestin Midoulet, s’escrimant sur le message du mikado, avait apporté à la fin de la collation un élément d’inépuisables plaisanteries.

Le général, Sika, Emmie, Marcel, secoués par une crise hilare, ne songeaient plus aux angoisses subies les jours derniers.

Pourquoi se les rappeler, du reste ? N’étaient-ils pas vainqueurs sur toute la ligne ? N’avaient-ils pas arraché la prisonnière au brutal Ahmed, et à cette heure, n’amenaient-ils pas l’agent du service des Renseignements (l’expression fut lancée par la fantaisiste petite Parisienne) à prendre des vessies pour des lanternes ?

Donc le rire épanouissait toutes les figures. Les gammes graves de la gaieté du général, les trémolos ténorisants de Tibérade répondaient aux trilles argentins des deux jeunes filles, quand Midoulet reparut.

Sa vue exalta encore la joie générale. Il y avait de quoi, d’ailleurs. Ébouriffé, les yeux hors de la tête, le visage hagard et furieux, les manchettes relevées jusqu’aux coudes, l’agent brandissait de façon irrésistiblement comique le vêtement mikadonal.

Mais qu’en avait-il fait, juste ciel !

Ses lavages, les réactifs, avaient transformé l’objet en une loque lamentable, dont il était impossible de reconnaître l’étoffe, la couleur, la destination.

Le drap, devenu un feutrage grossier, la teinture, décomposée en teintes inédites, la forme recroquevillée, contractée ; pas un des industriels matineux, qui appartiennent à la modeste corporation des chiffonniers, n’aurait fait à cela l’honneur d’un coup de crochet !

L’hilarité redoublée qui accueillit son entrée sembla stupéfier l’agent. Il marmonna un grognement, jeta d’un geste grandiosement dédaigneux le… message japonais, se croisa les bras, hocha la tête à la façon des magots de Chine, et enfin gronda :

— Ah ! vous avez le sourire, vous autres !

Cette fois, les assistants se mirent en boule. Ils riaient, riaient jusqu’à la souffrance, jusqu’aux larmes. Et dans les sursauts de cette irrésistible gaieté,