Page:Ivoi - Le Message du Mikado.djvu/397

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— Deux jours sur quatre, avez-vous dit ?

— Oui. Deux équipes. Nous nous relayons de deux jours en deux jours.

— Et vous avez pris le service ?

— Aujourd’hui à midi. Les télégraphistes répondaient sans hésiter, heureuses de rencontrer, dans ce désert, des personnes avec qui causer. Les gens, qui n’ont pas pratiqué les solitudes, ne sauraient comprendre quelle épouvante a la langue d’être paralysée par la rouille. Cet organe, le meilleur et le pire qui soit dans l’homme au dire d’Ésope, arrive à se mouvoir pour le plaisir de s’agiter, sans avoir besoin que ses paroles soient recueillies par un pavillon auriculaire ami.

Chacun a connu des gens accoutumés à deviser tout seuls.

Cependant, quelle que fût leur satisfaction, les interlocutrices des voyageuses démontrèrent la rectitude de leur jugement en questionnant :

— Que pouvons-nous pour votre service ?

Avec une modestie très bien jouée, Emmie murmura :

— Vous pourriez beaucoup, si vous le vouliez.

— Nous voulons, firent-elles en même temps.

Elles se considérèrent, étonnées de ne plus se trouver en contradiction. Vraisemblablement, l’entente cordiale leur sembla présenter quelque agrément, car elles répétèrent avec feu :

— Nous voulons.

— Alors, continua doucement la fillette, voici. Nous avons failli tomber de deux mille mètres…

Les Anglaises bredouillèrent :

— Émotion sensationnelle !

— Très sensationnelle, approuva la cousine de Marcel ; sensationnelle à ce point qu’elle nous a coupé bras et jambes, et que nous nous sentons incapables de marcher jusqu’à Aden.

L’affirmation était audacieuse de la part de jeunes personnes qui, un instant plus tôt, traversaient le plateau au grand galop ; mais il ne vint à l’esprit d’aucune des employées de relever la contradiction. Au contraire, elles affirmèrent :

— Nous comprenons très bien cette chose.

— Votre gracieuseté me met à l’aise, susurra la