Page:Ivoi - Le Message du Mikado.djvu/46

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Il se leva brusquement, décrocha son chapeau.

— N’importe, on m’a promis une place dans une société financière, capital : trois cents millions ! Si ma présence la ruine, celle-là, je me considérerai comme un danger public ; il est vrai qu’on ne me donnera peut-être pas le poste ; enfin, j’y vais.

— Et tu rentreras avec une bonne nouvelle. Mon petit doigt me le dit.

Il serra la fillette sur son cœur.

— Chère petite souris, ton affection confiante me réconforte. C’est toi, vois-tu, qui rends le courage au grand diable que je suis.

— Pas diable, cousin Marcel…

— Tu ne vas pas m’appeler ange, j’imagine ?

— Non, non… Ils ont des ailes dans le dos, il faudrait faire des trous dans ton habit pour qu’elles passent. Encore des dépenses somptuaires ! Mais tu es le meilleur des bons garçons. En t’appelant cousin, je te fais tort d’un grade. Dans mon cœur, tu es le frère dévoué qui a recueilli l’enfant sans papa, sans maman, et il y a une justice, vois-tu… la récompense de ton dévouement viendra.

— La récompense, c’est ton affection.

— Ta, ta, ta… Une affection qui a les dents longues et l’appétit constant qui t’oblige à doubler tes dépenses sans apporter le moindre supplément de recettes. Tu n’as pas voulu me mettre en apprentissage.

— Mais, mignonne, tu as à peine quatorze ans.

— Dans la maison, il y a une petite fille du même âge qui gagne déjà trente sous par jour.

— Possible, mais elle ne sait pas l’histoire, la géographie, les mathématiques, la littérature, tout ce que je t’ai appris.

— Elle sait coudre, cousin, et c’est pour cela qu’on lui donne trente sous.

Tous deux se considérèrent en silence.

Enfin, Marcel eut un mouvement d’épaules, comme s’il rejetait un fardeau trop pesant et, d’un ton abaissé :

— Je m’en vais. Attends-moi… J’espère. Il faut bien espérer.