Page:Ivoi - Le Message du Mikado.djvu/47

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Il dégringola en hâte l’escalier de l’humble maison de la rue Lepic, qu’habitaient les deux causeurs.

D’un pas rapide, il gagna la rue Blanche, la parcourut, traversa la place de la Trinité et s’engagea dans la chaussée d’Antin.

Sur la place de l’Opéra, ses yeux furent attirés par la devanture appétissante de la maison Ferrari.

Les victuailles exercèrent un véritable hypnotisme sur le jeune homme, dont le dîner était problématique.

— Sardines à la Rossini, déchiffra-t-il machinalement sur la pancarte dominant une pyramide de boîtes historiées : un franc vingt. Les voilà, les injustices sociales ; à cette heure, une sardine vaut plus que le docteur que je suis.

La réflexion le fit sourire, mais il s’éloigna de la devanture, tournant le dos à l’étalage tentateur.

Ce mouvement lui fit apercevoir la balustrade du Métropolitain, coupant le refuge ménagé au centre de la place.

Et soudain, il demeura figé, les yeux désorbités, stupéfait et frissonnant.

Au bord du trottoir qui lui faisait face, il reconnaissait la jolie personne blonde, remarquée quatre jours auparavant, près de la légation de Corée.

— C’est elle, bredouilla-t-il, elle !

Inconsciente de l’émoi qu’elle provoquait, Sika, car c’était la gracieuse Japonaise, s’était arrêtée au bord du trottoir avec sa compagne, en qui Midoulet et mistress Honeymoon eussent sans peine reconnu Véronique Hardy.

Elle trahissait la jeune fille, et celle-ci lui marquait une confiance grandissante, l’élevant du rang de fille de chambre à celui de demoiselle de compagnie.

De là leur apparition côte à côte. Soudain, Sika descendit le trottoir et se prit à traverser la chaussée avec cette hâte des piétons qui profitent d’une éclaircie parmi les voitures.

Surprise par son mouvement, Véronique la suivit à trois pas de distance.

Tibérade les regardait approcher, les yeux trou-