Page:Ivoi - Le Message du Mikado.djvu/48

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bles, avec l’impression de vivre une minute de rêve.

Et tout à coup, il eut un cri étouffé.

Une automobile, lancée à toute vitesse, a débouché de la rue Meyerbeer ; le chauffeur, qui parle à un personnage assis à l’intérieur de la voiture, ne regarde pas en avant. Le véhicule arrive droit sur Sika. Il va la renverser, l’écraser. Dans un éclair, Tibérade la voit blessée, morte, sanglante. Et emporté par un désir irrésistible de la sauver, il s’élance, atteint l’automobile, bondit sur le marche-pied, repousse le wattman ahuri, et, imprimant un brusque mouvement au volant, provoque une embardée qui fait entrer la voiture en collision avec un camion lourdement chargé.

Mais le jeune homme n’a cure de l’accident qu’il vient de provoquer. Il ne songe qu’à celui qu’il a empêché.

Il a sauté à terre. Il a saisi la Japonaise, l’a presque portée sur le trottoir, sur lequel la fausse Véronique, toute blême, les rejoint.

Il veut s’excuser de la brutalité de son acte, brutalité commandée par les circonstances.

Il n’en a pas le temps.

Sika lui a pris la main ; elle l’entraîne de l’autre côté du refuge. Elle bredouille des phrases entrecoupées :

— Merci… merci… encore une tentative criminelle… À aucun prix, je ne dois être mêlée à tout cela. Excusez ma précipitation, monsieur, je vous suis profondément reconnaissante, croyez-le.

Un auto-fiacre passe à ce moment.

Elle arrête le cocher d’un geste, pousse sa compagne dans la voiture, y prend place et le véhicule s’éloigne, laissant Tibérade seul, tout étourdi de l’aventure inattendue.

Il se demande ce qu’il fait là. Un coup d’œil vers l’endroit où il était tout à l’heure, lui montre un rassemblement dont les voitures en collision occupent le centre. Diable ! si on l’apercevait, son intervention lui créerait des ennuis de toute nature.

— Disparaissons, se conseille-t-il.