Page:Ivoi - Le Message du Mikado.djvu/90

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heures et demie, il avait pu écrire huit ; puis, à toutes jambes, l’agent se précipita dans la rue, bondit à l’intérieur d’une voiture qui passait, et terrifia le cocher en lui hurlant à l’oreille :

— Embarcadère des Messageries maritimes… Bon pourboire !

Mais le brave automédon ne pouvait rattraper les heures écoulées.

Grondant, soufflant, hérissé, hagard, Midoulet parvint à l’embarcadère pour apercevoir, de loin, le panache de fumée que le steamer Shanghaï, parti réglementairement laissait traîner sur l’horizon.

Du coup, sa valise roula à terre, et, sur le quai empierré, l’agent se croisa les bras ; anéanti, les yeux rivés sur le vapeur qui, peu à peu, s’enfonçait sous la ligne d’horizon, là-bas, au bout de l’immense plaine liquide, il murmura :

— Je suis roulé !

Ses ruses, la stratégie savante qu’il avait déployée depuis cinq jours, ses plans, ses espérances de succès, tout s’écroulait d’un coup. La mer, barrière infranchissable, s’étalait maintenant entre lui et le général Uko, emportant son secret pantalonesque.

Dans un grand geste désespéré, l’agent leva les bras vers le ciel, semblant le prendre à témoin de son infortune.

Et probablement le ciel eut pitié de sa déconvenue, car une main se posa familièrement sur son épaule, tandis qu’une voix amicale prononçait :

— Ah ! ce brave Midoulet ! Qu’est-ce que tu fais ici ?

L’agent reconnut incontinent un de ses collègues du service des Renseignements.

— Blondeau ! murmura-t-il.

— Parfaitement, Blondeau ! Blondeau qui se demande ce qui parvient à te bouleverser ainsi.

— Ah ! mon cher ! Une chose inouïe ! Depuis cinq jours je file un général japonais chargé d’un secret d’État inscrit, du moins je le suppose, sur l’étoffe d’un pantalon…

— un secret à l’allemande, reprit Blondeau sans manifester la moindre surprise.