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Page:Ivoi - Le Message du Mikado.djvu/94

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Seulement comme elle posait la main sur la rampe de cuivre, elle s’arrêta net.

Un petit jeune homme blond, joli comme une femme (une femme qui serait jolie, bien entendu), vêtu d’un élégant complet de voyage, les pieds menus, le chef coiffé d’une casquette-béret, ayant dans toute son allure un je ne sais quoi qui étonnait, un jeune homme, disons-nous, jaillit de l’escalier des premières, ainsi qu’un lutin sortant d’une boite.

Il passa auprès d’Emmie, la frôlant presque.

La fillette le suivit machinalement des yeux. L’adolescent marcha droit à une personne accoudée au bastingage, et qui, vraisemblablement l’attendait, car les deux personnages se serrèrent la main et se prirent à causer à voix trop basse, pour que leurs paroles n’arrivassent pas à la cousine de Tibérade.

Celle-ci ne songea pas à s’en plaindre.

Non, elle était médusée. Dans l’interlocutrice du jeune gentleman, elle venait de reconnaître Véronique Hardy, la femme de chambre de Sika.

Et les questions se pressaient dans sa tête mutine.

Que signifiait la familiarité du passager de première classe et de la servante, familiarité soulignée par le shake-hand ?

De toute évidence, leur rencontre était à la fois préméditée et secrète, car la camériste promenait sans cesse autour d’elle des regards inquiets.

Un moment ses yeux rencontrèrent ceux d’Emmie. Elle tressaillit, parla bas à son compagnon, et tous deux se séparèrent brusquement : lui, se dirigeant vers le « salon », elle se hâtant vers l’avant du steamer.

— Tiens, tiens, monologua la fillette. Il faudra que je signale cela à Mlle Sika. Quand on a à redouter les espions, il convient de surveiller ses domestiques. Ceci est d’un grand poète, lequel, durant quelques secondes, pensa avec le bon sens d’un bourgeois.

Et la raillerie distendit ses lèvres spirituelles :

— Que de gens prétendent connaître Lamartine et ignorent cela !

Elle secoua sa tête mutine :

— Allons, allons, assez de littérature. Décidons